Publié le 26/10/2023 – Mis à jour le 26/10/2023

Le roller derby est certainement le sport le plus dingue au monde. Un savant mélange de course automobile, de catch et de patinage artistique version punk. Des athlètes aux surnoms farfelus se foncent dedans à pleine vitesse sur une piste ovale, dans un tourbillon de couleurs, de cris, de sueur et de coups d’épaule.

Dans cet article fleuve, nous allons vous conter dans les moindres détails l’histoire complètement barjo du roller derby. De ses origines comme épreuve d’endurance dans les années 1930 à sa renaissance au féminin dans les années 2000.

Accrochez vos casques, vérifiez vos dentiers et vos genouillères, et embarquez pour un fabuleux voyage à travers les âges du roller derby !

roller derby

Les origines du roller derby : l’endurance pure (1935-1936)

Pour comprendre comment le roller derby est passé d’une épreuve d’endurance à un sport de brutes spectaculaire, il faut remonter aux années 1930 et à l’entreprenant Léo Seltzer. Ce promoteur d’événements de Chicago a l’idée lumineuse d’adapter le concept des courses d’endurance populaires à l’époque (les fameux danse-marathons et autres walkathons) sur des rollers !

La première course New-York – Los Angeles

Le 13 août 1935, Léo Seltzer organise ainsi la première compétition de roller derby au Colisée de Chicago. Le principe ? Des duos mixtes homme-femme font des milliers de tours de piste pour parcourir virtuellement la distance entre New York et Los Angeles.

Concrètement, les patineurs enchaînent les miles sur la piste pendant des semaines jusqu’à atteindre le mythique total de 57000 tours, l’équivalent de la distance entre les deux côtes américaines. Vous vous rendez compte de l’épreuve ?

Les courageux participants patinent à longueur de journée, avec à peine le temps de manger et dormir quelques heures. Un véritable exploit d’endurance ! Forcément, au bout de plusieurs semaines, tourner en rond comme un hamster dans sa roue finit par devenir mortellement répétitif pour les spectateurs et les patineurs.

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Une première course qui fait salle comble

Malgré son côté rébarbatif, ce premier marathon roller attire les foules en cette année 1935 : pas moins de 20000 spectateurs se pressent au Colisée de Chicago pour le lancement de l’épreuve !

De quoi conforter Léo Seltzer dans l’idée qu’il tient un concept porteur. Mais pour fidéliser le public, il va falloir rendre le spectacle plus captivant. Le roller derby est encore loin de la frénésie qu’on lui connaît aujourd’hui.

Les stars des débuts

Parmi les pionniers de l’endurance à roulettes, certains noms ressortent en 1935. On peut citer Clarice Martin et Bernie McKay, duo gagnant de cette première course New York – Los Angeles. Leurs principaux rivaux sont Marguerite Gring et Hardy Downing.

Ces patineurs courageux entrent dans la légende en disputant cette première grande course. Mais le grand public retient surtout leurs exploits physiques plus que leurs noms. La dimension spectacle n’est pas encore assez présente.

Naissance du roller derby moderne (1937)

Devant le caractère répétitif des premières courses, Léo Seltzer décide de totalement transformer son concept en 1937. Il s’associe avec le journaliste sportif Damon Runyon pour créer une version beaucoup plus dynamique et fun du roller derby.

Fin des courses d’endurance

Fini les interminables marathons où les patineurs tournent en rond pendant des semaines ! Seltzer et Runyon inventent le roller derby moderne avec des matchs enlevés opposant directement deux équipes.

Le jam : 2 minutes de folie pure

Les rencontres sont découpées en sessions de 2 minutes maximum appelées « jams ». Pendant un « jam », 5 patineurs de chaque équipe s’affrontent dans un tourbillon d’action pure.

Coups d’épaules, dérapages contrôlés, tentatives d’échappée, chutes impressionnantes… Le public est conquis par ce roller derby nouvelle formule ultra-dynamique digne des plus grands sports spectacle américains !

Naissance des jammers et bloqueurs

Seltzer et Runyon définissent aussi le rôle des patineurs durant ces jams endiablés. Certains deviennent des « jammers », scoreurs attitrés qui doivent se frayer un chemin dans le pack adverse.

Les autres sont des « bloqueurs » qui doivent contenir le jammer ennemi tout en ouvrant la voie à leur propre jammer. Les bases du roller derby moderne sont posées !

Le roller derby devient un sport majeur (1940-1945)

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Grâce à sa nouvelle formule ultra-spectaculaire, le roller derby devient rapidement un immense succès populaire dans les années 1940. Le public américain plébiscite ce savant mélange de vitesse, d’adrénaline et de contacts athlétiques.

Un sport rapidement incontournable

En à peine 5 ans, le roller derby passe d’activité confidentielle à sport majeur suivit par des millions de fans à travers les États-Unis ! Toutes les grandes salles sont prises d’assaut lors du passage des championnats qui voyagent aux quatre coins du pays.

La strategie de Leo Seltzer pour populariser son sport

Leo Seltzer n’est pas étranger à cette success story. Le promoteur multiplie les initiatives pour populariser son sport :

– Tournois exhibitions pour présenter le roller derby au grand public
– Grands shows pour attirer les médias nationaux
– Création de vedettes charismatiques pour que le public s’identifie

Grâce à ces efforts, le roller derby s’impose comme l’un des divertissements favoris de l’Amérique dans les années 40.

New York, place forte du roller derby

La cote Est des Etats-Unis, et New York en particulier, devient un bastion du roller derby. Le Madison Square Garden accueille régulièrement les plus grandes stars de la discipline devant des foules en délire.

Preuve ultime de la popularité du sport, les finales nationales affichent complet pendant une semaine au Garden en 1949 ! Du jamais vu pour un sport encore si jeune.

L’âge d’or dans les années 1950

Le roller derby atteint des sommets de popularité dans les années 1950. Les Américains se passionnent pour les exploits des champions et les shows délirants proposés par la National Roller Derby League. Souvenez-vous, c’est la décennie d’Elvis, des diners et de la télé en plein essor !

Les roller derby stars au sommet de leur art

Cette décennie dorée voit éclore des vedettes inoubliables qui font vibrer les foules du Madison Square Garden et de Chicago Stadium.

Les noms de Joan Weston, Ann Calvello, Midge « Toughie » Brasuhn ou Gerry Murray sont sur toutes les lèvres. Ce sont les premières vraies célébrités du roller derby, adulées par les fans.

Leurs rivalités épiques font les choux gras des médias. Chacun y va de son pronostic avant leurs duels tant attendus !

Le Rollar Derby s’invite dans les foyers américains

Autre facteur de popularité : l’arrivée de la télévision dans les foyers permet au roller derby d’étendre encore son audience. Les networks comme ABC ou CBS se l’arrachent et produisent leurs propres émissions.

Résultat : le grand public peut enfin suivre les exploits de leurs idoles directement depuis son canapé, jusqu’à 3 fois par semaine ! Les vedettes du roller derby deviennent encore plus célèbres.

Une popularité au zénith

En 1950, la popularité du roller derby est à son comble. 10 millions d’Américains assistent aux matchs dans les grandes salles du pays. Le sport inspire les artistes : Mickey Rooney en fait un film et Marilyn Monroe y débute. Même les Oscars s’y mettent avec un court-métrage nommé en 1950 !

Vous vous rendez compte ? Le roller derby est le sport spectacle le plus coté du moment, au niveau du baseball ou du football US. Tout le monde en parle, c’est de la folie !

Malheureusement, cette popularité exceptionnelle ne va pas durer. Dès le milieu des années 50, l’engouement du public commence à retomber brutalement. Le roller derby va devoir se réinventer pour survivre.

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Le déclin dans les années 1950

Alors qu’il semblait au sommet de son art, le roller derby connait un déclin rapide à partir de 1953. Les foules se font plus clairsemées, l’intérêt médiatique diminue. Léo Seltzer est contraint de déménager son entreprise en Californie pour tenter de sauver les meubles.

Nouveaux talents pour relancer la machine

Pour redynamiser son sport, Leo Seltzer mise sur de nouveaux talents. Il organise un camp d’entraînement à New York en 1953 pour recruter la future génération de patineurs.

La jeune Judi McGuire, championne de vitesse, décide d’y tenter sa chance sur les conseils d’amies. Dès son deuxième jour, ses qualités sont repérées et elle intègre l’équipe new-yorkaise, remplaçant du jour au lendemain une patineuse blessée !

S’en suivent des semaines d’entraînement intensif pour se préparer à écumer les pistes, tout en continuant ses études au lycée. Judi McGuire entre dans le monde impitoyable du roller derby par la grande porte !

Un sursaut dans les années 1960

En 1959, Leo Seltzer passe la main à son fils Jerry. Ce dernier tente de raviver la flamme dans les années 60 en accentuant le côté spectacle du roller derby. Les matchs sont scénarisés façon catch pour dramatiser les oppositions entre patineurs.

Les rencontres sont enregistrées pour être vendues aux télévisions locales, ce qui permet au roller derby de reconquérir une partie du public perdu. Les foules font leur retour dans des temples comme le Madison Square Garden. Le sursaut est réel mais de courte durée…

Le renouveau du roller derby dans les années 1970

Sous la houlette du promoteur Jerry Seltzer, le roller derby retrouve les sommets dans les années 1970. La recette ? Des matchs intensément disputés et des intrigues à rebondissements façon catch entre les patineurs stars. Le public se pâme à nouveau !

Un spectacle à l’américaine

Jerry Seltzer a parfaitement compris comment adapter le roller derby aux goûts du public des années 70. Ses matchs enchaînent les ingrédients qui font le succès des shows à l’américaine :

  • Du grand spectacle
  • De l’action survoltée
  • Des intrigues et des rebondissements
  • Des héros charismatiques

Autant d’éléments qui permettent au roller derby de séduire à nouveau les foules dans les années 70. Les networks TV raffolent de ce cocktail détonnant à nouveau.

Les nouvelles stars du roller

Cette version moderne du roller derby fait émerger de nouvelles vedettes adulées du public comme Ralphie Valladares, Charlie O’Connell ou Ann Calvello. Leurs duels épiques font vibrer les foules du Madison Square Garden ou du Los Angeles Sports Arena.

Et les filles ne sont pas en reste ! Des patineuses comme Joan Weston, Judy Arnold ou Donna « Hot Flash » Young trouvent leur place dans ce roller derby du showbusiness. Girl power !

Un âge d’or éphémère

Grâce à cette adaptation réussie aux gouts du public des années 70, le roller derby renait de ses cendres et retrouve les devants de la scène sportive. Mais cette nouvelle ère dorée sera hélas de courte durée…

Dès 1973, les problèmes resurgissent avec une baisse brutale de la fréquentation des matchs. Le roller derby s’apprête à connaître sa phase la plus sombre dans les années 80.

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Le trou noir des années 1980

Après le bref renouveau des années 1970, la décennie 1980 est très cruelle pour le roller derby, qui replonge dans l’anonymat et manque de disparaitre. Voyons ce qui explique ce nouveau déclin brutal du sport à roulettes.

Nouveau désintérêt du public

En 1973, patatras ! Alors qu’il semblait à nouveau au sommet, le roller derby subit une nouvelle chute de popularité. La fréquentation des matchs s’effondre en quelques mois à peine.

Le public se lasse des intrigues scénarisées à outrance et se détourne massivement des salles obscures. C’est un coup dur pour Jerry Seltzer, contraint de vendre ses droits à la concurrence.

Tentatives de relance sans lendemain

RollerGames, l’acquéreur, tente de relancer la machine au début des années 80 avec des intrigues encore plus rocambolesques. En vain, le grand public ne suit plus.

Même constat pour deux tentatives télévisées sur ESPN dans les années 80. Les versions modernes du roller derby ne parviennent pas à séduire sur la durée. Le roller derby plonge corps et âme dans l’oubli…

Incompréhension des patineurs historiques

Pour les patineurs historiques, ce désintérêt brutal est incompréhensible. La fréquentation des salles était encore au beau fixe en 1973 !

« On n’a jamais eu de raison officielle pour ce déclin soudain. C’était dur à encaisser alors que le public répondait encore présent » se remémore avec amertume Judi McGuire.

Le roller derby au féminin (début des années 2000)

Alors que le roller derby semble définitivement enterré dans les années 90, le sport réussit une incroyable renaissance au début des années 2000 grâce à des pionnières motivées. Explication de cette improbable renaissance.

Le manifeste de Austin

Tout part d’un collectif de patineuses de Austin, au Texas, en 2001. Ces Rollergirls texanes décident de relancer le roller derby dans un esprit résolument punk et féministe. Fini les intrigues télévisuelles, place à l’authenticité !

Elles posent les bases d’un roller derby nouvelle génération, auto-organisé et underground. Le succès est immédiat et fait rapidement des émules dans toutes les grandes villes américaines. En à peine 5 ans, le mouvement s’étend à travers le monde entier grâce à internet.

L’esprit « do it yourself »

Cette renaissance du roller derby au féminin repose sur une philosophie bien précise, dans la veine punk :

– Auto-organisation par les patineuses elles-mêmes
– Look et attitude décalés assumés
– Sororité entre les participantes
– Accessible à toutes les femmes voulant s’émanciper

Exit les productions télé sur-scénarisées, place à l’authenticité. Les patineuses imposent leur style, leurs valeurs et leur fraîcheur.

Le succès est immédiat

Le bouche à oreille fonctionne à plein régime sur les réseaux sociaux naissants. Le roller derby devient rapidement un phénomène mondial, essaimant sur tous les continents en quelques années seulement.

Les vocations fleurissent et les ligues se multiplient. Le public, notamment féminin, est de nouveau au rendez-vous de ce roller derby nouvelle vague.

L’organisation du roller derby moderne

Jetons à présent un oeil à l’organisation du roller derby dans sa version moderne du 21ème siècle.

La WFTDA comme instance dirigeante

L’organe directeur du roller derby féminin est la WFTDA (Women’s Flat Track Derby Association) créée en 2005 pour structurer ce nouvel essor.

La WFTDA compte plus de 450 ligues membres à travers le monde en 2023. Intégrer la WFTDA est l’objectif de toutes les ligues qui comptent.

Le développement des compétitions

Sous l’impulsion de la WFTDA, un circuit complet de compétitions s’est structuré :

– Rencontres régulières entre les équipes d’une même ligue
– Compétitions nationales (championnats de France, d’Australie…)
– Compétitions internationales : Coupe du monde, Coupe d’Europe…
– Playoffs et Championnats WFTDA

Le classement WFTDA

La WFTDA établit également un classement mondial grâce à un algorithme sophistiqué. Ce ranking permet de suivre l’évolution des meilleures équipes et d’établir un classement de référence.

Les 20-30 équipes leaders de l’année s’affrontent lors des Playoffs WFTDA. Les 4 meilleures jouent ensuite la finale mondiale lors des Championships.

Les règles du roller derby moderne

Intéressons nous à présent aux règles qui régissent le roller derby dans sa version contemporaine du 21ème siècle.

Le déroulement d’un match

Un match se joue en 2 mi-temps de 30 minutes, découpées en séquences de 2 minutes maximum appelées jams.

Entre chaque jam, les patineurs ont 30 secondes pour s’organiser avant le coup de sifflet suivant. L’action est donc continue.

Les patineurs et leurs rôles

Lors d’un jam, chaque équipe aligne sur le track :

– 1 jammeur (casque étoilé) : le scoreur qui doit traverser le pack adverse pour marquer des points
– 1 pivot (casque rayé) : bloqueur pouvant devenir jammeur grâce à un « passage d’étoile »
– 3 bloqueurs : ils forment le pack et doivent bloquer le jammeur adverse tout en aidant leur propre jammeur

Le déroulement d’un jam

 

https://www.youtube.com/watch?v=Fx7JqGsNIeELes deux jammeurs partent derrière le pack et cherchent à le traverser le premier pour devenir « lead jammer ».

Le lead jammer peut conclure le jam quand il veut en tapotant ses hanches. Chaque passage rapporte 1 point par bloqueur adverse dépassé à son équipe.

Les pénalités

Les contacts sont autorisés mais pas les gestes dangereux. Un patineur pénalisé doit aller 30 secondes en prison, laissant son équipe en infériorité numérique.

Les clés du renouveau du roller derby

En une quinzaine d’années, le roller derby est passé de sport confidentiel à phénomène planétaire. Quelles sont les clés de ce renouveau tonitruant ?

Accessible à toutes les femmes

La philosophie « do it yourself » et féministe du roller derby nouvelle génération le rend accessible à toutes les femmes, sans distinction de gabarit.

Chacune peut trouver sa place quel que soit son profil, de la bloqueuse solide à la jammeuse rapide en passant par les nombreux postes techniques.

Sororité et girl power

La dimension entre femmes est également essentielle à ce succès. Le roller derby véhicule des valeurs de sororité et d’entraide assumées, en phase avec son époque.

Les patineuses se poussent vers le haut dans un environnement bienveillant et valorisant. L’esprit girl power séduit un large public.

Un show permanent

Le roller derby reste avant tout un incroyable spectacle, ou chaque moment peut apporter son lot de rebondissements. Chutes, pénalités, duels au sommet, changements de leader… Tout s’enchaîne à 100 à l’heure !

Les tenues colorées, les casques customisés, les pseudos humoristiques… Tout concourt à l’ambiance unique des matchs.

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Loic

Sur sa planche depuis l'âge de 10 ans, Loïc file sur le bitume comme s'il valsait. La ville est son terrain de jeu, chaque escalier et rampe un défi à relever. À 48 ans, son amour du skate n'a pas pris une ride. Les figues acrobatiques exécutées avec grâce trahissent des décennies de pratique acharnée. Pour Loïc, glisser c'est vivre intensément l'instant présent. Le skate chevillé au corps et l'asphalte chevillé au cœur, sa passion est intacte depuis 30 ans.